Taux d’inclusion du gain en capital

 In Impôts

Le ministre des Finances du Canada, Dominic Leblanc, annonçait le 31 janvier 2025 que le gouvernement reportait au 1er janvier 2026 la date à laquelle le taux d’inclusion des gains en capital augmenterait en certaines circonstances de 50% à 66,66%.

Le ministre des Finances du gouvernement du Québec, Éric Girard, annonçait par la suite qu’il s’harmoniserait avec la mesure annoncée par le fédéral.

On peut prévoir finalement que cette mesure ne sera probablement jamais adoptée telle que présentée.

En effet, le chef du parti conservateur Pierre Poilièvre annonçait le 16 janvier 2025 qu’il n’adopterait pas cette mesure si son parti était élu aux prochaines élections fédérales.

Par la suite, les deux principaux candidats à la succession de Justin Trudeau pour la chefferie libérale, soit Chrystia Freeland et Mark Carney, ont annoncé qu’ils n’adopteront pas cette mesure.

Introduction

Dans le Budget Fédéral du 16 avril 2024, la ministre des Finances, l’honorable Chrystia Freeland annonçait une augmentation du taux d’inclusion sur les gains en capitaux réalisés après le 25 juin 2024 de 50% à 66,66% en certaines circonstances. Le gouvernement du Québec a par la suite annoncé qu’il s’harmoniserait à cette nouvelle mesure qui, à tort ou à raison, a fait l’objet de nombreux commentaires dans les médias.

Par exemple, le 23 avril dernier, l’Association Médicale Canadienne (AMC) publiait sur son site Internet, un peu maladroitement faut-il le souligner, une mise en garde à l’effet qu’elle nuirait au recrutement et à la rétention des médecins.

L’ancien ministre des Finances, Bill Morneau, mentionnait de son côté que celle-ci nuirait à l’investissement au Canada.

Toute cette attention a suscité des questions de plusieurs clients sur l’impact de cette nouvelle mesure sur leur planification fiscale et financière.

Vous trouverez ci-après nos commentaires à cet effet.

Un peu d’histoire

Ce n’est pas la première fois que nos gouvernements modifient le taux d’inclusion des gains en capitaux.

Rappelons que jusqu’en 1972, les gains en capitaux n’étaient tout simplement pas imposables.

Ce n’est en effet qu’à partir du 1er janvier 1972 que 50% des gains en capitaux sont devenus imposables dans le cadre d’une grande réforme fiscale suite à une recommandation de la Commission royale d’enquête sur la fiscalité mieux
connue sous le nom de la Commission Carter.

Le taux d’inclusion s’est par la suite maintenu pendant 16 ans à 50% jusqu’au 10 février 1988 alors que le ministre conservateur des Finances de l’époque, Michael Wilson, l’augmenta à 66,66% et deux ans plus tard à 75% dans son budget du 20 février 1990.

En 2000, le taux d’inclusion fut réduit deux fois. Une première fois de 75% à 66,66% à l’occasion du budget du 28 février 2000 du ministre libéral des finances Paul Martin et une seconde fois de 66,66% à 50% dans l’énoncé budgétaire du 18 octobre 2000.

En 2000, les institutions financières ont eu peine à ajuster les feuillets fiscaux et les rapports de gains et pertes en capital pour refléter le taux d’inclusion des gains en capitaux en fonction de chacune des trois périodes. Les comptables plus âgés se souviennent encore de cette saison d’impôt…

Le tableau qui suit illustre l’évolution du taux d’inclusion des gains en capitaux depuis 1972.

La nouvelle mesure

À compter du 25 juin 2024, le taux d’inclusion des gains en capitaux sera augmenté de 50% à 66,66%.

Par exemple, sur un profit réalisé de 1 000 $, le gain en capital imposable à inscrire sur le rapport d’impôt augmentera de 500 $ à 666 $.

Dans le cas des particuliers, cette augmentation de 50% à 66,66% ne s’appliquera que sur les gains annuels excédant 250 000 $.

Les compagnies ne bénéficieront pas de cette exemption annuelle de 250 000 $ et l’ensemble des gains en capitaux réalisés après le 25 juin 2024 seront sujets au nouveau taux d’inclusion de 66,66% dès les premiers dollars.

Le tableau qui suit illustre les taux d’imposition maximum des gains en capitaux avant et après la nouvelle mesure.

Particuliers

Tel qu’illustré dans le tableau précédent les particuliers réalisant des gains en capitaux de plus de 250 000 $ seront imposés dorénavant à un taux maximum de 35,54% sur les gains excédentaires soit 8,88% de plus par rapport au taux précédant de 26,66%.

Le tableau qui suit illustre l’impôt supplémentaire à payer pour les gains en capitaux réalisés à partir du 25 juin 2024.

Il faudra tenir compte de l’impôt minimum de remplacement (IMR) pour les gains supérieurs à 1 million de dollars.

Compagnies

Pendant la période d’accumulation

Dans le cas de placements détenus par une compagnie, les gains en capitaux seront imposés au taux de 33,34% pendant la période d’accumulation soit 6,66% de plus (33,34% – 26,66%) qu’au niveau personnel pour des gains personnels inférieur à 250 000 $ ou 2% de moins (33,34% – 35,54%) pour les gains personnels supérieurs à 250 000 $.

Après la distribution aux actionnaires

Une fois distribué à l’actionnaire en considérant l’impôt combiné de la compagnie et personnel, la surimposition pourrait atteindre 12,49% pour les gains de moins de 250 000 $ et 3,60% pour les gains de plus de 250 000 $.

La surimposition des gains en capitaux versés à l’actionnaire pourrait par ailleurs être inférieure ou même éliminée dans la mesure où les versements sont effectués à la retraite alors que le taux d’impôt personnel est moindre.

Il est à noter par ailleurs que le principal avantage de la compagnie demeure le fait qu’elle peut investir une part plus importante des revenus futurs d’entreprise ou de profession compte tenu du taux d’impôt moindre de la compagnie (26,5%, 20,5% ou 12,5% selon la situation) plutôt que 53,31% au niveau personnel.

Vendre ou ne pas vendre avant le 25 juin 2024, telle est la question…

Particuliers

Gains en capitaux personnels annuels inférieurs à 250 000 $

Compte tenu du fait que seuls les gains en capitaux excédant le seuil de 250 000 $ seront sujets au nouveau taux d’inclusion de 66,66%, la très grande majorité des particuliers n’auront pas avantage à anticiper de vendre et réinvestir avant le 25 juin 2024.

Pour mettre les choses en perspective, mentionnons simplement que moins de 1% des clients ont déclaré des gains en capitaux d’un montant supérieur à 250 000 $ sur leur déclaration d’impôt personnel 2023, provenant souvent de la vente d’immeuble ou d’actions de compagnies privées.

Une bonne stratégie de gestion fiscale des portefeuilles visant à ne pas excéder le seuil de 250 000 $ et ainsi bénéficier du taux d’inclusion de 50% nous apparaît être la stratégie appropriée.

À cet égard, plusieurs clients avaient déjà l’habitude de vendre en fin d’année des titres à perte afin de réduire le montant des gains en capitaux réalisés dans l’année.

Cette stratégie pourrait aussi être utilisée en considérant le nouveau seuil annuel de 250 000 $ de gains en capitaux à ne pas excéder.

Gains en capitaux personnels annuels supérieurs à 250 000 $

Par contre, dans certaines situations où les plus-values accumulées sont très élevées, il est possible que les gains en capitaux futurs excèdent 250 000 $ et soient ainsi assujettis au nouveau taux d’inclusion de 66,66%. En ce cas, est-il préférable de vendre et réinvestir avant le 25 juin 2024?

Le tableau qui suit illustre la différence entre les 2 scénarios en supposant un taux de rendement de 5% sous forme de gain en capital (sans intérêts ou dividendes).

Comme on le constate dans le tableau précédent, il faudrait attendre 9 ans afin de rentabiliser la stratégie de conserver les placements si l’on suppose un taux de rendement de 5%. Le tableau qui suit illustre le nombre d’années de détention requises afin de rentabiliser le fait de ne pas vendre avant le 25 juin 2024 et conserver les placements en fonction du taux de rendement prévu.

Plus le rendement prévu est élevé, plus court est le délai de détention requis pour justifier la décision de conserver les placements. En effet, étant donné que l’on ne paie pas d’impôt, on dispose d’une somme investie plus élevée et le rendement plus élevé compense plus rapidement les impôts futurs plus élevés au taux d’inclusion de 66,66%.

Les décisions de vendre ou non les placements et les réinvestir devraient naturellement se prendre en collaboration avec votre gestionnaire de portefeuille.

Ne pas attendre à la dernière minute

Dans le cas des transactions boursières, l’ARC considère généralement qu’une vente a lieu à la date de règlement et non à la date où les instructions de vente sont données. Récemment les États-Unis et le Canada ont réduit à 1 jour le délai de règlement des transactions boursières (T-1). Ainsi le 24 juin état un jour férié au Québec la date limite pour donner ses instructions de vente est techniquement le jeudi 20 juin.

Si vous décidez de vendre les placements boursiers, il est fortement recommandé de le faire avant le 20 juin, car votre conseiller en placement pourrait avoir besoin d’un délai supplémentaire afin de régler les procédures administratives internes et de conformité avant de procéder à la vente.

Compagnies

Plusieurs clients détiennent leurs placements par le biais de leur compagnie. Cette situation mérite d’être examinée plus en détail étant donné que les compagnies ne bénéficient pas du seuil d’exemption de 250 000 $ au taux d’inclusion à 50% et que tous les gains en capitaux seront imposés à 66,66% à partir du 25 juin 2024.

Réaliser les gains accumulés dans la compagnie?

Nous avons effectué trois simulations à savoir si compte tenu de la hausse du taux d’inclusion des gains en capitaux réalisés dans la compagnie il était préférable de :

  1. Ne pas réaliser les gains avant le 25 juin 2024 et distribuer les gains aux actionnaires plus tard
  2. Réaliser les gains en capitaux avant le 25 juin 2024 et réinvestir dans la compagnie et distribuer aux actionnaires plus tard
  3. Réaliser les gains en capitaux et les distribuer immédiatement aux actionnaires pour qu’ils les réinvestissent personnellement en bénéficiant du taux d’inclusion futur de 50%

Le taux de rendement utilisé est de 5% sous forme de gain en capital (sans intérêts ou dividendes).

Comme on peut le constater, à un taux de rendement de 5%, il faut attendre une période de 10 à 12 ans pour rentabiliser le fait de conserver les placements comparativement à les vendre avant le 25 juin 2024 que ce soit pour réinvestir dans la compagnie (scénario 2) ou personnellement (scénario 3).

La prudence est de mise

Bien que le scénario le plus avantageux en termes de rentabilité financière sera souvent celui où la compagnie vend les placements et distribue les gains réalisés aux actionnaires qui les réinvestissent personnellement, il serait prudent de considérer le facteur humain suivant :

La compagnie est souvent considérée comme un fond de pension par le professionnel ou l’entrepreneur et les placements ainsi conservés jusqu’à la retraite. Les fonds distribués risquent davantage d’être utilisés à d’autres fins. Aussi, à moins d’avoir un usage précis des fonds (ex : remboursement de l’hypothèque, contributions au REER, au CELI) peut-être serait-il plus sage de réinvestir les fonds dans la compagnie plutôt que de les distribuer.

Il s’agit ici de scénarios visant à illustrer des tendances générales. Chaque situation étant particulière, nous vous invitons à consulter votre conseiller pour évaluer la meilleure stratégie, particulièrement dans le cas de gains en capitaux plus importants (de l’ordre de 200 000 $ et plus par exemple).

Le cas du compte de dividende en capital (CDC)

Il est généralement de bonne pratique de « cristalliser » annuellement le gain en capital en vendant certains placements afin de bénéficier du privilège de verser aux actionnaires des dividendes non imposables qui correspondent à la fraction non imposable des gains en capitaux soit présentement de 50%.

En effet, la portion non imposable des gains en capitaux réalisés soit présentement de 50% des gains en capitaux, peut être versée aux actionnaires sans impôts à même le compte de dividende en capital (CDC).

Bien que le budget n’élabore pas sur cette question, il est prévisible que suite à la hausse prévue du taux d’inclusion de 50% à 66,66%, la partie non imposable qui peut être versée aux actionnaires serait réduite à 33,33% du montant des gains en capitaux.

Habituellement, nous effectuons cet exercice au moment de la préparation des états financiers. Compte tenu de la nouvelle mesure, il sera généralement avantageux de cristalliser les gains en capitaux avant le 25 juin 2024 de façon à pouvoir bénéficier du privilège de verser des dividendes non imposables correspondant à 50% du gain
plutôt que 33,33%.

Il faut noter que l’étape importante à effectuer avant le 25 juin est que la compagnie vende les placements à gain pour bénéficier du CDC de 50%. Le dividende non imposable pourrait être versé plus tard.

Immobilier

Résidence principale

Le gain réalisé sur la vente d’une résidence principale continue de donner droit à l’exemption de résidence principale. Ainsi, l’augmentation du taux d’inclusion ne devrait généralement pas avoir d’impact à cet égard.

Il est à noter que l’exemption de résidence principale peut être répartie entre la maison en ville et le chalet en fonction du nombre d’années de propriété.

Chalet

Les clients qui songent à transférer le chalet à court ou moyen terme à un enfant pourrait envisager de le faire avant le 25 juin 2024.

Le transfert soit par vente ou par donation sera considéré comme une disposition du chalet à la valeur marchande par les autorités fiscales entrainant ainsi un gain en capital. Il faut donc prévoir être en mesure de régler les impôts occasionnés par le transfert.

Tel que mentionné précédemment, l’exemption de gain pour résidence principale pourrait être réclamée, en tout ou en partie, sur la disposition du chalet plutôt que sur la maison en ville. Ceci pourrait être avantageux lorsque le gain annuel sur le chalet par année de détention est supérieur à celui de la maison en ville.

Il est à noter que donner ou vendre le chalet à plusieurs enfants plutôt qu’à un seul peut entrainer certains conflits dans le futur. Par exemple sur le partage du temps d’occupation par les enfants ou petits-enfants, la pertinence d’effectuer ou non des rénovations en fonction des goûts et moyens financiers de chacun etc.

Immeubles à revenus

Comme nous l’avons vu précédemment, la vente d’un immeuble risque de générer un gain en capital supérieur à 250 000 $, ce qui est un beau problème en soit.

Les personnes qui sont déjà dans le processus de vente d’un immeuble pourraient considérer s’assurer que la transaction soit complétée d’ici le 25 juin 2024 dans la mesure où le gain prévu excède 250 000 $.

Une balance de vente pourrait aussi être accordée à l’acheteur, ce qui pourrait permettre d’étaler l’imposition du gain en capital jusqu’à un maximum de 5 ans de façon à ne pas excéder le seuil annuel de 250 000 $.

Une transaction immobilière implique déjà plusieurs points de négociation et de stress. Compte tenu des montants en cause, vaut-il la peine de compliquer davantage pour fins fiscales et risquer de la faire avorter?

Vendre un immeuble à sa compagnie

Certains clients qui sont déjà incorporés nous questionnent s’ils devraient envisager de vendre leur immeuble à revenus à leur propre compagnie en déclarant en tout ou en partie le gain en capital.

De nombreux éléments sont à considérer dans une telle transaction :

  • admissibilité ou non à l’exonération relatives aux droits de mutation (taxe de bienvenue);
  • Pénalités potentielles sur remboursement anticipé de l’hypothèque;
  • Récupération potentielle de l’amortissement réclamé dans le passé;
  • Rapport d’un évaluateur agréé afin d’établir la valeur marchande de l’immeuble;
  • Etc.

En outre, la stratégie permettant d’étaler le gain en capital sur plusieurs années ne peut être utilisée dans le cas d’une vente à une compagnie que l’on contrôle.

Compte tenu de tous ces éléments et du court délai, il vaut probablement mieux ne pas se précipiter et de bien planifier une telle transaction quitte à l’effectuer après le 25 juin.

À cet égard, n’hésitez pas à contacter votre conseiller pour évaluer la pertinence ou non d’une telle transaction.

Rappelons par ailleurs que le profit réalisé sur la revente rapide d’un immeuble (incluant une résidence principale, chalet ou immeuble à revenu) qui a été détenue pendant une période de moins d’un an est réputée être un revenu d’entreprise et non comme un gain en capital.

Que nous réserve l’avenir?

Projet de loi distinct

La ministre des Finances, Chrystia Freeland a demandé au Parlement que les changements proposés soient présentés dans une Loi distincte du budget. Il semble que son intention est de forcer les partis d’opposition à prendre spécifiquement position sur les mesures proposées relatives au taux d’inclusion des gains en capitaux.

Ceci pourrait permettre aux partis d’opposition de demander des modifications sans risquer de faire tomber le gouvernement par un vote contre le budget dans son ensemble.

M. Poilièvre, dont le parti conservateur mène dans les récents sondages en vue de l’élection fédérale de l’automne 2025, est demeuré discret sur cette question. Lors d’une récente entrevue, on lui a demandé si un gouvernement conservateur abrogerait ou conserverait les modifications aux gains en capital. Il n’a pas répondu spécifiquement à la question en se contentant de mentionner qu’il la jugeait inefficace et que les libéraux ne s’entendaient pas entre eux sur cette nouvelle mesure.

La ministre a indiqué que le projet de loi serait déposé avant la fin des travaux parlementaires qui aura lieu le 21 juin, soit trois jours avant le délai prévu du 24 juin…

Comité conjoint de l’Association du Barreau Canadien et de CPA Canada

Le 1er mai dernier, le comité soumettait au gouvernement plusieurs recommandations à l’égard de la mesure proposée dont les suivantes :

  • Il devrait être permis de cristalliser les plus-values sur les biens détenus le 25 juin 2024 i.e être en mesure de déclarer les gains en capitaux potentiels à cette date sans devoir vendre les placements. Ceci permettrait de faire des choix plus éclairés au moment de la préparation des déclarations d’impôt et éviter des ventes précipitées avant le 25 juin. Les plus vieux se souviendront de l’année 1994 où cette approche avait été adoptée lors de l’abolition de l’exemption de gain en capital de 100 000 $.
  • Alternativement, la date limite de vente afin de bénéficier du taux d’inclusion de 50% devrait être reportée au 1er janvier 2025.
  • Le coussin annuel de 250 000 $ au taux d’inclusion de 50% réservé aux particuliers devrait pouvoir être partagé avec les compagnies dont ils sont actionnaires.

Vous pouvez consulter le rapport complet du comité en cliquant sur le lien suivant :
https://www.cpacanada.ca/fr/nouvelles/analyse/plaidoyer-gain-capital

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