Donner ! Ça fait du bien.
Donner ! Ça fait du bien, titrait récemment un article du Journal Les Affaires.
Nous avions effleuré le sujet dans un Bulletin de Noël précédent en résumant le livre Happy Money1 qui présentait les cinq façons de dépenser son argent pour en tirer le plus de satisfaction.
Selon les études citées dans le livre, donner est l’une des cinq façons de dépenser son argent pour en tirer le plus de bonheur et peut nous rendre plus heureux que de dépenser pour nous-mêmes.
Parmi ces études, celle menée par la firme Gallup World Poll entre 2006 et 2008 auprès de 200 000 participants dans 136 pays afin d’établir un profil psychologique des humains est l’une des plus exhaustives.
Une des constatations de l’étude est que dans 120 pays sur 136, les personnes qui avaient donné dans le mois précédent étaient plus satisfaites de leur vie que celles qui n’avaient pas donné. Cette relation s’est confirmée dans les pays riches et les pays pauvres et en tenant compte d’autres facteurs tels que le revenu. Une autre expérience plus récente montre que l’action de donner et le bonheur ont un effet de renforcement créant ainsi un cercle vertueux.
Ainsi selon les auteurs, il semble que la prédisposition de tirer du bonheur de l’action de donner soit une composante fondamentale de la nature humaine.
Donner pour en tirer le plus de bonheur
Les auteurs suggèrent trois stratégies visant à maximiser l’impact des dons sur le bonheur.
1) En faire un choix
Les dons devraient être faits de façon volontaire. Les dons forcés enlèvent le plaisir et ont peu d’impact sur le bonheur.
Par exemple, les cadres d’entreprises sont souvent sollicités avec insistance par leurs employeurs afin de donner à des organismes de charité à même leur salaire. Ce type de dons peut laisser l’impression de constituer plutôt une dépense de bureau et ne génère pas autant de satisfaction qu’un don fait plus librement. Il en est de même pour les médecins qui sont souvent approchés pour effectuer des contributions plus ou moins volontaires à la fondation de leur hôpital.
2) Établir une connexion
Les dons à des personnes proches telle que les membres de la famille et amis ainsi que les dons à des œuvres de bienfaisance qui nous tiennent à cœur (ex : santé, service communautaire, enfance, pauvreté, culture, environnement) sont ceux qui ont le plus d’effet sur le bonheur.
Une étude récente réalisée par la firme Épisode en collaboration avec la firme Léger, révélait d’ailleurs que les Canadiens et les Québécois donnent davantage à une cause qui est liée à leur réalité et qu’ils vivent dans leur quotidien.
3) Avoir un impact
Les dons ayant un effet concret que l’on peut constater ont plus d’impact même s’il s’agit de petites sommes.
Pour tenir compte de ces facteurs, plusieurs organismes de bienfaisances tentent ainsi de créer des liens directs entre les donateurs et les bénéficiaires. Par exemple, les personnes qui donnent à l’organisme international Vision Mondiale reçoivent par la suite des photos et de la correspondance de l’enfant qu’ils commanditent.
Donner à la famille et aux amis
Selon Happy Money, donner aux membres de la famille est l’une des formes de don apportant le plus de satisfaction.
Par ailleurs, l’auteur du livre Die Broke² mentionne que selon des études effectuées aux États-Unis, plus les enfants ont reçu des dons de leur famille entre l’âge de 25 et 40 ans moins ils sont indépendants financièrement par la suite.
Recevoir de tels dons à titre gratuit de même que l’anticipation d’un héritage semble en effet résulter en de mauvaises habitudes de travail et d’épargne.
Que faire alors? Donner mais pour des buts spécifiques tels que contribuer aux études, démarrer en affaires ou aider à acquérir une maison.
Par exemple, les grands-parents pourraient mettre en place un Régime Enregistré d’Épargne-Études (REÉÉ) pour les petits-enfants et effectuer les premières contributions annuelles jusqu’à 2 500 $ par petits-enfants. Un tel régime peut aussi être mis en place pour des neveux, nièces ou un enfant d’un ami.
Dans le cas où un membre de la famille souffre d’un handicap physique ou mental le limitant dans ses activités quotidiennes, un Régime Enregistré d’Épargne – Invalidité (REÉI) pourrait être mis en place afin de constituer un fonds de pension dont il pourra bénéficier lorsqu’il sera plus âgé et que ses parents ne seront peut-être plus là pour s’occuper de lui. Ce régime est particulièrement avantageux car une contribution annuelle de 1 500 $ entraîne généralement une subvention annuelle de 3 500 $ du gouvernement fédéral à partir du moment où la personne souffrant d’un handicap est âgée de plus de 18 ans. Des contributions peuvent aussi être effectuées avant l’âge de 18 ans mais les subventions seront généralement moins généreuses.
Choisir une cause spécifique
Une seconde façon de tirer le plus de satisfaction de nos dons est de donner à une cause qui nous tient à cœur.
Pour ceux qui ont perdu un proche à cause d’une maladie ce sera souvent pour la recherche médicale sur cette maladie. Pour d’autres, ayant des enfants ou petits-enfants avec des difficultés ce pourra être à des organismes d’aide aux enfants. Plusieurs voudront plutôt aider des organismes pour femmes en difficulté, leur Alma Mater, des organismes culturels ou des organismes venant en aide aux animaux etc.
Il existe plus de 80 000 organismes de bienfaisance enregistrés pouvant émettre des reçus pour fins d’impôt sans compter une multitude d’organismes sans but lucratif qui poursuivent des œuvres de bienfaisance. Ce n’est donc pas le choix qui manque.
Il existe plusieurs outils de référence afin de vous aider à effectuer un choix. Vous pouvez vous rendre sur l’onglet Organismes de bienfaisance du site de l’Agence de revenu Canada (ARC) et obtenir des renseignements sur un organisme qui vous intéresse (description de la mission, % de frais administratifs, etc.). Vous pouvez aussi commander une liste selon la cause recherchée (ex : santé, religion, etc.). Aussi, depuis 3 ans le magazine MoneySense publie un classement des 100 plus grands organismes du Canada sur la base de critères comme l’efficacité de la gestion, de la gouvernance, etc.
Les grands donateurs
Le 28 avril 2011, à l’initiative de Warren Buffet, 69 milliardaires se sont engagés à donner un minimum de 50% de leur fortune durant leur vie ou après leur mort. Parmi ceux-ci, son ami Bill Gates a l’intention de donner 95% de sa fortune tandis que Warren Buffet désire donner 99% de la sienne. Ce dernier affirme qu’il n’a jamais été aussi heureux que lorsqu’il a pris cette décision.
L’intention de ces milliardaires est très louable. Il reste cependant que la grande majorité des sommes reçues par les organismes de bienfaisance proviennent de dons de 10$, 25$ ou de 50$ à la fois.
Statistiques
L’Institut Fraser publiait récemment des statistiques sur les dons. Celles-ci sont tirées des données figurant sur les déclarations d’impôt personnelles de 2013.
Tel que l’illustre le tableau précédent, le pourcentage de Québécois effectuant des dons est semblable à la moyenne nationale qui est de l’ordre de 20%.
Par contre la moyenne de dons tant en % du revenu qu’en dollars s’établit à seulement environ la moitié de la moyenne nationale. Ce qui confirme que la philanthropie est plus avancée dans la culture anglophone que francophone.
Crédits d’impôt
Lorsque nous effectuons des dons à des organismes de bienfaisance enregistrés, les gouvernements accordent les économies d’impôts suivantes à l’occasion de la préparation des déclarations d’impôt personnelles.
De plus, afin d’encourager les gens qui n’ont jamais donné à commencer à le faire, un super crédit pour don est accordé en 2017 soit 57.5% sur les premiers dons jusqu’à 200 $ et 73,2% sur les dons s’élevant de 200 $ jusqu’à 1 000 $.
Stratégies
Polices d’assurance vie
Si vous désirez effectuer un don plus substantiel à un organisme de bienfaisance, l’utilisation d’une police d’assurance vie peut s’avérer une stratégie intéressante. L’organisme devra naturellement faire preuve de patience en attendant d’encaisser le produit de l’assurance vie suite au décès. Les organismes font généralement référence à la notion de Dons Planifiés pour ce type de dons, il existe deux façons principales d’utiliser cette stratégie.
Déduction annuelle des primes
Si l’organisme est propriétaire et bénéficiaire de la police, les primes annuelles payées sont alors déductibles (ex. : 500$). Le produit d’assurance éventuellement versé à l’organisme (ex. : 100 000 $) ne donnera cependant pas droit à un crédit pour don car le contrat d’assurance lui appartenait déjà.
Déduction du produit de l’assurance
Si vous êtes propriétaire du contrat d’assurance et que l’organisme de bienfaisance est nommé bénéficiaire, les primes annuelles (ex : 500$) ne seront pas déductibles étant donné que vous demeurez propriétaire du contrat mais le produit d’assurance (ex : 100 000$) remis à l’organisme donnera droit à un crédit d’impôt important au décès.
Cette approche peut être particulièrement intéressante dans le cas où une facture d’impôt élevée est prévue au décès. Par exemple si vous détenez des immeubles à revenus, une entreprise, etc.
Titres de portefeuille
Vous désirez vendre des actions cotées à la Bourse et ayant accumulé une plus-value et vous avez l’habitude d’effectuer des dons ou songer à le faire? En ce cas il pourrait être plus intéressant de donner ces actions que d’effectuer vos dons en argent. En effet, si vous donnez les actions, vous serez exonéré de l’impôt sur le gain en capital qui s’élève à environ 25% du gain lorsque l’on est imposé au taux d’impôt maximum.
Par exemple, vous détenez des actions de la Banque Nationale que vous avez payées 3000$ et dont la valeur actuelle est de 5000$. Leur vente entraînerait un impôt de 500$ soit 25% du gain de 2000$.
Si vous donnez plutôt ces actions vous aurez droit au crédit d’impôt habituel pour don de l’ordre de 50% de la valeur des actions, soit 2500$, et vous économiserez en plus un impôt de 500$ sur le gain en capital exonéré.
Autres stratégies
Il existe d’autres façons plus ciblées d’effectuer des dons en bénéficiant d’avantages fiscaux. Par exemple :
- Dons d’œuvres d’art réalisées par des artistes canadiens à des musées et institutions publiques.
- Certains organismes tels que la Fondation du Grand Montréal regroupent des donateurs et des organismes qui offrent des subventions. Les dons entraînent ainsi un effet multiplicateur des sommes reçues par l’organisme de bienfaisance, souvent dans le milieu culturel.
- Dons d’un immeuble à des fins culturelles pour accueillir les ateliers d’artistes ou les organismes à vocation culturelle.
1. Happy Money, Simon & Schuster, 2013, Elizabeth Dunn & Michael Norton
2. Die Broke, Harper Business, 1998, Stephen M. Pollan & Mark Levine